Histoire de la médiathèque de Senlis
Jacques Joly, le précurseur humaniste
Sous l'Ancien Régime, la plupart des bibliothèques sont privées.
Détenues et enrichies par des familles nobles, riches et aristocrates, elles ne s'ouvrent aux amateurs et aux bibliophiles que très rarement. Cependant au XVIe siècle les humanistes décident d'ouvrir leurs bibliothèques plus largement. ils souhaitent faire rayonner la connaissance et autorisent donc les savants à venir consulter leurs ouvrages.
Le prêtre prieur de la chapelle de la Reine, Jacques Joly, décide lui aussi d'ouvrir sa bibliothèque. Il donne ainsi l'intégralité de sa bibliothèque à sa ville d'origine, Senlis, à condition qu'elle rende ses livres accessibles à toute personne le demandant, et que quelqu'un soit spécifiquement désigné pour gérer les consultations des ouvrages, les demandes des visiteurs et sa bibliothèque.
Son souhait ne pourra cependant pas se réaliser : après avoir utilisé sa fortune personnelle pour financer de nombreuses oeuvres de charité - il est notamment à l'origine de la construction de l'hôpital de la Charité de Senlis - il laisse à sa mort en 1652 de nombreuses dettes. le don de sa bibliothèque est alors remis en cause par ses créanciers.
La famille Dumetz Ronay et la Révolution française
La période révolutionnaire va donner un nouvel élan au souhait de Jacques Joly d'ouvrir une bibliothèque accessible à tous les Senlisiens.
A sa mort en 1652, sa bibliothèque avait intégré les collections du Grand Séminaire de Senlis. Mais en 1789 un décret révolutionnaire met à disposition de l'Etat tous les biens de l'Eglise. Toutes les congrégations religieuses de Senlis se voient privées de leurs possessions et chassées. Les bibliothèques de toutes les communautés sont rassemblées, les livres de Jacques Joly compris.
Un second décret paru en 1793 confisque les biens des Français émigrés à l'étranger. Les possessions de nombreuses familles tombent sous la propriété de l'Etat. C'est notamment ce qui arrive à la bibliothèque de la famille Berbier du Metz, comtes de Rosnay, dont les membres fuient leur château d'Eve (près de Senlis) en abandonnant de nombreux biens. La famille Berbier du Metz avait commencé à développer cette bibliothèque au XVIIe siècle. Les générations successives l'avaient enrichie grâce à des acquisitions éclairées sur tous les sujets qui faisaient l'actualité du moment. En 1793, leur bibliothèque est composée de près de 9 000 oeuvres. Elle contient notamment des éditions originales de l'Histoire naturelle de Buffon et de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert. Elle offre un panorama complet de l'érudit du XVIIIe siècle.
Avec les bibliothèques des 20 abbayes, couvents et monastères de Senlis et de ses environs, cette bibliothèque est déposée dans les locaux de l'abbaye Saint-Vincent, puis dans le palais épiscopal de Senlis. Cet ensemble constitue le fonds de la première bibliothèque publique de Senlis.
Les idéaux d'égalité et de libre accès à la connaissance et à l'éducation, portés par la Révolution, vont constituer le point de départ des bibliothèques publiques. L'Etat charge les communes de conserver les livres confisqués dans un endroit dédié et d'ouvrir ce lieu aux citoyens. La ville de Senlis est donc désormais responsable de la conservation, de la gestion et de la mise à disposition des bibliothèques confisquées.
Le XIXe siècle cahin-caha
En 1803, le maire de la ville fait face à de grandes difficultés financières.
Pour la bibliothèque, c'est le début des ennuis. Le conseil municipal est sommé de payer le loyer de la salle de l'ancien Evêché occupée par les livres. Il tente de gagner du temps en embauchant un libraire parisien chargé d'inventorier les collections et gagne ainsi un sursis de plusieurs années. La Préfecture de l'Oise intervient toutefois et la ville décide de vendre les plus beaux manuscrits et les livres jugés inintéressants pour financer le transfert des collections vers l'ancien hôpital de la Charité. Ces ventes sont illégales : le Préfet de l'Oise est à nouveau contacté. Il écrit au maire de Senlis en 1819 pour lui demander d'établir un catalogue détaillé de tous les documents possédés par la ville en lui rappelant son devoir de conservation et de mise à disposition des collections, qui sont la propriété de l'Etat.
L'année suivante, une première ébauche de catalogue est envoyée au Préfet. En 1823, la bibliothèque établie dans l'ancien hôpital de la Charité déménage à l'Hôtel de Ville. Les livres qui restent dans la bibliothèque du Chapitre y sont oubliés. La mairie embauche enfin deux bibliothécaires qui complètent le catalogue et commencent à inventorier de façon méthodique la bibliothèque publique.
En 1884, les livres sont définitivement déplacés dans l'ancien Grand Séminaire de Senlis, le bâtiment qu'occupe actuellement la médiathèque municipale.
Pendant que la ville se débat avec sa bibliothèque, un poète tombe amoureux de Senlis et du Valois. Gérard de Nerval s'inspire de la région pour écrire quelques-unes de ses oeuvres majeures : Sylvie, Aurélia, Les filles du feu ou encore le recueil poétique des Chimères. Dans les années 1980, la bibliothécaire Jacqueline Hédouin reconnaît les paysages décrits par Nerval et décide de rassembler différentes éditions de ses oeuvres. C'est le début du fonds Nerval, qui compte désormais 470 documents et a été enrichi par le don Bony, spécialiste de la littérature du XIXe siècle et de Gérard de Nerval.
La médiathèque aujourd'hui
Depuis la fin du XIXe siècle, la bibliothèque occupe le même bâtiment. Elle a néanmoins connu de grands changements.
Les Postes Téléphoniques et Télégraphistes (PTT) et le Tribunal de Senlis ont déménagé l'un après l'autre, laissant l'ensemble du bâtiment disponible pour la bibliothèque.
En 1970, Mademoiselle Jacqueline Hédouin, sucesseure de Madame Betty MacDonald, gérait également les collections de la première bibliothèque départementale de prêt. Elle conduisait notamment le bibliobus, camion qui servait à apporter des documents dans les villes ne possédant pas de bibliothèque de lecture publique. Quand les bibliothèques départementales de prêt furent prises en charge par les départements, les livres rejoignirent les collections de la biblothèque municipale.
En 1975, un grand programme de réaménagement est lancé pour occuper tous les étages. Le rez-de chaussée est attribué aux collections pour les adultes et au bibliobus. Le premier étage abrite les collections réservées aux enfants et la salle d'étude, tandis que le deuxième étage est transformé en réserve pour conserver les livres anciens. L'espace jeunesse, qui est devenu un espace incontournable, avait été développé à l'initiative de Madame MacDonald, bibliothécaire américaine entre 1963 et 1965.
En 1976, Mademoiselle Hédouin est alertée par des lecteurs sur la situation des livres laissés à l'abandon dans la salle du Chapitre. Cette salle devait être rénovée et les livres jetés. Mademoiselle Hédouin organise une campagne de désinfection et de nettoyage de ces livres qui avaient soufferts pendant plus d'un siècle de l'action de la poussière et des colonies de souris dans cette salle du Chapitre où ils étaient entassés depuis les années 1810. Une fois nettoyés, ils sont regroupés avec les livres anciens qui avaient constitué le premier fonds de la bibliothèque publique. Les collections contemporaines sont déplacées dans les étages inférieurs.
En 1986, la bibliothèque municipale s'équipe d'ordinateurs et le catalogue est informatisé. Adieu fiches cartonnées, bonjour technologie ! Le minitel permet de consulter le catalogue à distance. La bibliothèque de Senlis est alors la première en France à proposer ce type de service à distance.
De nouveaux supports entrent progressivement dans les collections. La bibliothèque se fait médiathèque et propose des cassettes audio et des CD-Roms puis des CD, des cassettes VHS et des DVD. La médiathèque continue d'évoluer avec son temps et met désormais à disposition des tablettes, des liseuses et des ordinateurs portables aux usagers.
Avec l'arrivée d'internet, les services en ligne se multiplient sur son site web et ses réseaux sociaux. En plus du catalogue, vous pouvez donner votre avis sur les documents que vous avez aimé ou détesté, retrouver les actualités de vos activités préférées, gérer votre compte en ligne. Vous pouvez également jouer et apprendre en ligne, découvrir les cultures numériques et explorer avec nous les grands enjeux actuels liés au numérique. Vous pouvez aussi explorer le passé d'une autre manière, en découvrant l'histoire du livre et celle de la médiathèque, ou encore en vous promenant dans ses collections numérisées...
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